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Les larmes éternelles.
Prologue
Oh, tiens ! Il pleut. Je ne m'en suis même pas aperçu jusqu’à maintenant. Je lève la tête, mais ma vision se brouille, à cause de la pluie, sûrement. Je ne vois plus rien. Tant pis. Au moins, je n'aurais pas à regarder la jeune fille qui s'en va d'une démarche incertaine, sans un regard en arrière, à quelques mètres de là.
Alors qu'elle vient de briser à jamais le cœur d'un homme.
Le mien.
Comment a-t-elle pu ? Pourquoi ? J'ai été, je suis, toujours gentil et attentionné avec elle ;"même un peu trop", me faisaient remarquer mes camarades de classe. Pas mes amis, mes camarades. Je n'ai pas d'amis. Ou plutôt, je ne pense pas en avoir. De vrais amis, je veux dire. Ceux qui sont toujours là pour toi, pas juste quand ils ont besoin de te demander un service ou parce que leurs amis à eux ne sont pas là. Des amis sur qui ont peut compter.
Je pensais en avoir un, d'ami. Elle. Mais je comprends aujourd'hui que notre relation était plus qu'inexistanste (en plus d'être ambiguë, je précise). Ou alors, éphémère.
Enfin bref. Oui, j'ai toujours été adorable avec elle. Elle a été adorable avec moi, aussi. C'est elle qui m'a accueillie à bras ouverts quand j'ai emménagé dans le quartier, avec ma mère, il y'a maintenant 5 ans. J'étais timide, je le suis toujours, et c'est elle qui m'a rassuré ; elle m'a même présenté à ses amis. Ils ont eu l'air de me trouver sympathique, mais je savais bien qu'ils ne voulaient pas faire mauvaise impression devant elle, alors ils se sont montrés cool. Mais après, ça a été la seule à discuter et à "traîner" avec moi.
Mon ventre se sert, un sourire crispé s'étend sur mes lèvres. Je me souviens de tant de choses. Qu'elle venait me masquer les yeux avec ses mains, et me dire de sa voix douce et amusée : Devine qui c'est. Que je me retournais, le sourire aux lèvres, la retrouvant tout sourires, les yeux étincelants, ses longs cheveux bruns ondulant autour d'elle.
Qu'elle me défendait devant les caïds, qu'elle leur disait : Ne vous en prenez pas à plus petit que vous, vous êtes lamentables. " Ils me lâchaient ensuite les baskets pendant 3 ou 4 jours (elle était très persuasive, quand on y pense, et surtout, très appréciée. Par tout le monde. Personne n'osait la contredire, vu qu'elle avait toujours raison. Mais peut être ais-je une trop bonne image d'elle, qui contraste terriblement à la réalité.)
Ma vision se brouille davantage.
Elle était la corde qui me permettait de tenir, grâce à laquelle je m'efforçais de ne pas abandonner.
Il pleut drôlement, dis donc.
Je devrais peut être rentré, ma mère doit s'inquiéter.
Mais bon, être en retard, inquiéter ma mère, ou autres choses futiles comme celle-ci ne m'importe plus, désormais.
Je dois d'abord recomposer ce qu'elle a détruit.
D'une démarche certaine, cette fois, je prends la direction de ma maison, tandis que la pluie s'estompe...à vue d’œil. (*)
Elle laissera bientôt sa place au soleil. Comme ma vie. Qui prend aujourd'hui un nouveau tournant. Pour la troisième fois.
Un nouveau tournant. Un nouveau départ. Pour une nouvelle vie.
FIN.
(*) NDA : Faut comprendre le jeu de mots ;'3
Chapitre 1
- Ah, mon chéri, tu es revenu ! Je commençais vraiment à m'inquiéter, hein ! Où étais-tu passé ?
J'enlève mes chaussures sur le palier, tandis que ma mère se dirige vers moi, furieuse et inquiète. Les rides du souci et de la fatigue creusent son visage, le rendant de moins en moins avivé et coloré au fil des jours. Elle travaille beaucoup trop. Même si cela ne suffit même pas à joindre les deux bouts. Mais elle continue, elle s'acharne pour m'offrir tout ce dont j'ai besoin, depuis que mon père est parti, nous abandonnant elle et moi, déboussolés, anéantis. Je n'avais que 6 ans, mais je m'en souviens encore aujourd'hui.
Mon père était venu dans ma chambre, un soir d'hiver, le visage fatigué mais ferme. Les yeux ronds, je lui avais demandé ce qu'il faisait dans ma chambre, habillé, un sac sur les épaules et s'il pouvait bien m'expliquer pourquoi il y avait une grande valise, sa grande valise, devant la porte. Silencieux, il s'était assis près de moi, et soudain, pris dans ses bras. Puis il m'avait dit d'une voix empreinte de regret, avant que j'aie eu le temps de comprendre ce qui se passait :
- Sois fort. Ne perds pas courage. Pour ta mère et moi. Je sais que je peux compter sur toi. Je suis désolé.
Il s'était ensuite levé. Dans un silence de mort, la bouche béate, je l'avais regardé quitter la pièce, ne réalisant toujours pas ce qui se passait. Puis la vérité m'avait frappé de plein fouet :
Les murmures entre eux, les sanglots étouffés, tout ça…mon père quitte la maison.
Il ne viendra plus jamais me serrer dans ses bras, la nuit.
Je n'irais plus jamais avec lui à des matchs de foot, manger un sandwich...
Il ne sera plus là pour moi.
Cette vérité m'avait paru insupportable. Mais, avant que je puisse bouger le petit doigt (j'avais prévu de lui sauter dans les bras et de l'empêcher de partir, têtu que j'étais), il m'avait murmuré d'un son parfaitement inaudible, si bien que j'avais du tendre l'oreille pour l'entendre :
- Je m'en vais. Peut être que je reviendrais. Mais pas maintenant. Je dois réfléchir.
Sois sage, sois la pour ta mère quand elle en aura besoin.
"Je t'aime, mon fils."
J'avais hoché la tête même si il ne pouvait pas le voir, ne sachant pas quoi faire d'autre. Je me sentais comme vidé, incapable de bouger. Je n'arrivais même pas à pleurer.
Ma mère était apparue sur le seuil de la porte, le visage en larmes, juste après.
Ils ne se s'étaient pas accordé un regard. Aucun. Ma mère avait juste dit, la voix brisée : Vas-t-en.
Le visage baissé, mon père avait ensuite quitté la pièce.
Puis notre maison. La vie de ma mère. Ma vie.
Laissant nos cœurs à l'abandon, déchirés, marqués à tout jamais.
Cela fait 9 ans maintenant.
Depuis ce jour, ma mère a perdu sa joie de vivre. Je perdis la mienne aussi, à la même occasion.
Quelques jours après, elle entreprit de trouver un boulot pour qu'on puisse s'en sortir sans lui. On l'engagea comme baby-sitter, serveuse, caissière, nourrice, animatrice… et enfin, femme de ménage.
Nous avions déménagé à Lolititle, 4 ans après ce jour tragique.
Et c'est là que je fis la rencontre d'Ever.
Grâce à elle, je pus honorer la promesse faite à mon père. Rester fort et avancer, pendant 5 ans.
Mais plus maintenant.
- Alors, qu'est-ce qui se passe, tu réponds pas ? questionne ma mère, ce qui me fait sortir de ma léthargie.
- Euh, si, si…je pensais juste à quelque chose, je réponds précipitamment.
- Alors ?
- J'étais avec Ever, tu sais, à la bibliothèque, j'explique, mais on s'est attardé sur un banc pour discuter.
- Ah ok, dit-elle, visiblement soulagée. Et tout se passe bien entre elle et toi, donc ?
Je veux lui répondre que non, tout va mal comme jamais, que je l'ai perdu. Pourtant, je réponds :
- Très bien. Ne t'inquiète pas pour ça.
- Ah ok, marmonne encore ma mère, en me fixant étrangement, ce qui me fait donc baisser la tête, pour ne laisser transparaître aucune émotion. Dépose ton sac dans ta chambre, et viens m'aider à préparer le dîner, s'il te plaît. Ensuite, tu feras tes devoirs. Il n'est que 19h, on a le temps.
-D'accord, maman, je réponds, en m'avançant lentement vers l'escalier qui me ramène à l'étage, où il y'a ma chambre, la salle de bains et la chambre de ma mère.
- Je t'attends, mon cœur. Je sens qu'on va passer une bonne soirée.
- J'espère, dis-je d'un ton faussement enjoué.
Puis je m'engage ensuite dans l'escalier, la tête encore envahie de souvenirs douloureux.
FIN
Chapitre 2
- Aie ! Ça fait mal !
Sans attendre, je passe mon doigt sous l'eau du robinet.
- Qui y'a-t-il, mon chéri ? hurle ma mère, à l'étage.
- Rien de mal. Je me suis juste coupé le doigt ! je hurle aussi, le visage crispé par la douleur.
Elle soupire si fort que je l'entends d'ici.
- Ah ok. Fais attention dorénavant.
- Pas de soucis. Argh…
Je ferme le robinet et me remet à couper les tomates par tranches, tout en essayant de contenir ma douleur. Ca fait vraiment mal, bon sang (ça sort bien avec la situation, vous ne trouvez pas ?). Je suce mon index, qui a enfin décidé de s'arrêter de couler.
Cela fait une demi-heure que je prépare le dîner avec ma mère. Je devrais normalement décompresser, car j'adore cela, mais je n'y arrive pas. Le souvenir du départ de mon père me démange, bien que je ne sache pas pourquoi. Et je n'arrête pas de penser à Ever, ce qui me fait terriblement souffrir.
Ma mère dévale les escaliers et me rejoint dans la cuisine, son sac à la main.
"Course urgente", m'a-t-elle expliqué.
- Tu es sûr que tu ne veux pas venir avec moi ?, elle me demande pour la trois millième fois.
Je soupire. Elle est têtue, ma mère !
- Non, maman, je grogne. Pour la trois millième fois, je te dis que je suis assez grand pour rester à la maison tout seul ! Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi bien que tu le fais tout le temps.
Un jour, ma mère m'a dit que j'étais la seule à savoir la faire sourire. Je le confirme.
- Ok, t'as gagné…mais on pourrait passer au café manger une glace après le supermarché, si ça te dit ?
- Maman…, je souffle, avec un sourire franc, cette fois. T'es incorrigible…puisque que je te dis que je ne veux pas venir avec toi ! Je coupe des tomates, je te ferais remarquer !
Même si j'ai bientôt terminé. Mais hors de question de le lui dire !
- Une bônne glace, susurre-t-elle en exagérant sur les "n" et en ignorant ma remarque. Mmmmh…ça ne te tente pas ? Les légumes peuvent attendre, hein !
Ma mère est sadique.
Mais je tiens le coup. Plutôt mourir que lui faire faire des dépenses de plus. Avec le prix que coûte une simple glace…non !
Je ne réponds pas et continue à couper les tomates, en faisant en sorte de l'ignorer superbement.
Quelques minutes plus tard, voyant que je ne suis pas prêt de répondre à ses provocations (le mot n'est peut être pas très bien attribué mais c'est ce que je ressens) et à céder, ma mère se décide enfin à prendre les clés et à sortir. Elle ajoute au passage :
- Tant pis pour toi, alors. J'ai tout essayé ! Mais j'aurais peut être dû te menacer…la prochaine fois, t'es cuit !
Tsss…en soupirant intérieurement, je referme la porte derrière elle, le cœur un peu plus léger, toutefois.
J'ai l'impression qu'elle se reconstruit de jour en jour, ma mère, Dieu sait comment et pourquoi.
Elle veut peut être me montrer qu'elle aussi sait rester forte.
Je finis de couper les tomates, avant de les mettre dans un bol et de me laver les mains. Travail terminé.
Que faire maintenant ?
Je monte dans ma chambre, en essayant d'oublier Ever et mon père. Elle n'est pas très vaste. Mais, elle qui contient un lit à baldaquin, un bureau, une fenêtre, et une petite bibliothèque où j'y entrepose tous les livres que j'ai pu récoltés au fil des années, constitue mon univers secret. C'est le seul endroit où je me sens bien et réellement moi-même.
Cette pensée me ramène tout de suite à Ever.
Car cette chambre est, vous vous en doutez bien, l'endroit où Ever et moi aimions le plus se retrouver, avec la biblothèque.
Quand j'y repense, je me dis que notre amitié n'était pas du tout prévisible. Puisque, hormis le fait que nous aimons tous les deux la lecture, nous n'avions aucun point commun. Ne serait-ce que par sa façon de choisir ses amis. Ils sont tous très sûrs d'eux, prétentieux et moqueurs, alors qu'elle est douce, belle et gentille. Comment ça a pu coller ?
J'en suis là dans mes cogitations quand j'entends une sonnerie. Le téléphone. C'est peut être elle…ni-une ni-deux, je m'élance, dévale les escaliers et fonce vers le salon où celui-ci continue de sonner.Bip, bip, bip ! La main tremblante et avec une certaine appréhension, je décroche le combiné.
- Oui ?, dis-je la voix étranglée.
- Debby ? Brian ?
C'est comme si le sol s'effondrait sous moi.
Je tombe, je tombe…
- Allô ? Allô ? Vous m'entendez ?
La voix est grave, forte, puissante. Elle n'a pas perdu de sa douceur, pourtant.
Je tombe, je tombe…
C'est elle que j'entendais tout les soirs. Elle me criait : Brian ! Brian ! Sois fort ! Ne perds pas courage !
- Hé oooh ! Fichu téléphone ! Répondez, je sais que quelqu'un est là !
C'est elle que j'espérais réentendre un jour.
Des sanglots dans la voix, je murmure :
- Papa.
Chapitre 3
- Brian, oh mon fils... comme je suis content d'entendre ta voix !
Je me mets à vaciller sur le coup de l'émotion, ce qui m'oblige à me tenir au mur pour ne pas tomber.
- Papa...pourquoi nous as-tu abandonné ? Pourquoi ? Où es-tu ? Plus de nouvelles, rien pendant 9 ans ! Et là, tu débarques au téléphone en prétendant que je t'ai manqué ?! Alors que, je me répète, pendant 9 ans, tu n'as pas daigner me donner de tes nouvelles ?!? (ma voix prend des intonations plus fortes tandis que la colère et la tristesse qui s'est amplifié au fil des jours explose en moi. Dire que j'allais pleurer il y'a 2 secondes ! À cause de ce...enfin bref) 9 ans, Papa, 9 ans ! Tu comprends ce que ça peut signifier pour un fils, la présence d'un père pour l'épauler ? Puis, encore et toujours cette question, POURQUOI ?!?
Je laisse éclater ma haine, ma tristesse, ma colère.
Je l'entends respirer d'un souffle rauque. Il me prête une oreille attentive, je le sens, je le sais.
Je lui raconte les 9 ans passés sans lui, les problèmes, la détresse de ma mère.
Je lui parle d'Ever, de notre rupture.
De la promesse qu'il m'a faite.
Je lui fait comprendre que, malgré tout ce qui s'est sans doute passé entre ma mère et lui, il aurait dû endosser son rôle de père, même si beaucoup comme lui, malheureusement, n'ont pas eu le courage, la force ou l'envie.
Je noie mon chagrin dans les mots.
Et il me laisse finir, il ne m'interromps pas, ne me contredis pas. Ne serait-ce qu'une seule fois.
Il est juste là, à m'écouter, et cela suffit amplement à ce que j'aille mieux.
Quelques minutes, je suis essoufflé, je transpire, je n'ai presque plus de voix, mais j'ai un poids de moins sur mes épaules.
- Oh, mon garçon, je suis désolé...désolé pour tout ce que tu as enduré, me dit-il après que j'ai fini. Mais, tu sais, tu ne connais sûrement pas toute l'histoire, je n'ai pas voulu vous abandonner...ma mère ne t'a pas raconté, n'est-ce pas ? Pour mon départ ? Elle ne t'a rien dit, c'est sûr...hein ?
J'aimerais lui beugler que si, que ma mère m'a tout raconté, que je connais toute l'histoire, que ce n'est pas le problème, que j'en n'ai rien à cirer mais...ce serait mentir.
J'ai bien essayé de tirer les vers du nez à ma mère pendant toutes ces années mais bon...elle y tient, à ces vers, hein.
De toute façon, à chaque fois que je lui posais une question ayant un rapport avec ça, son visage prenait une couleur verdâtre qui me contorsionner le cœur et je m'empressais de laisser tomber pour ne pas qu'elle s'évanouisse devant moi.
Laissant (un peu) ma fierté de côté, je rétorque alors :
- Non, j'admets que je ne la connais pas l'histoire, mais si tu pouvais me l'abréger vite fait, ce serait vraiment gentil. J'ai pas que ça à faire, moi. Et j'ai pleins de questions à te poser, le Fugueur, tu sais ?
Bon, j'ai bien dit un peu.
"Hé oh, t'es fou ou quoi ? Manque de respect total ! Tu veux qu'il te raccroche au nez, c'est ça ?" me souffle une voix dans ma tête.
Non. Surtout pas. Donc, je m'empresse de rectifier le tir :
- En fait, tu sais, je te dis ça parce que...(je tousse) Maman va bientôt arriver, et comme j'ai pas envie d'assister à une crise cardiaque dont je serais le seul coupable, j'aimerais bien que tu y aille vite. Mais, en fait, tiens...elle en met du temps pour aller acheter du PQ et des courgettes !
Mon discours a, à ma plus grande joie, l'effet escompté. Il éclate d'un rire léger. Mais je remarque un petit soupçon de nervosité, toutefois.
Peut être qu'il s'inquiète pour Maman, va savoir.
On peut toujours rêver.
- Ok. Je vais essayer de faire vite. Tu m'écoutes et tu ne m'interromps pas, c'est compris ?
- Oui, bien sûr, je réponds, agacé.
Il tousse. Trois fois.
- Je te le dit encore, Brian, je n'ai pas voulu vous abandonné. Enfin, je ne pense pas. Il s'avère que...
Et il me raconte. Tout.
Il laisse couler ses mots et moi, je les absorbe.
Si bien qu'à la fin, j'ai l'impression d'être un ballon plein d'eau, prêt à éclater.
- Voilà, tu sais tout, dit-il après avoir fini. Ça fait du bien de se confier, dis donc ! J'espère que...euh...2 secondes ! (Je l'entends murmurer quelque chose. Il a dû éloigner le combiné car je ne comprends pas ce qu'il dit. Je discerne ensuite une voix haut perchée, très aiguë. Une femme ?) Et, euh, désolé, mais je dois te laisser, en fait. Affaire urgente.
Affaire urgente ? Il est sérieux ? Déconcerté par ce que je viens d'entendre, je sens la colère bouillonner en moi. Déjà que j'ai du mal à encaisser ce qu'il a dit plus tôt...
- Quoi ?! Tu vas raccrocher, comme ça ?! Et, en plus, pendant qu'on y est, t'appelles d'où, en fait ?
Moment de silence.
- Euh...de...de Hitetlea, il répond d'une voix penaude.
Je manque de faire tomber le combiné.
- De Hitetlea ?! Mais c'est à l'autre bout du pays !!! je hurle. Et je peux savoir pourquoi t'appelles, 9 ans après ? Pour nous dire bonjour ?!
Re-moment de silence.
- Euh...en réalité, c'est pas la première fois que j'appelle , il bafouille, pris de court.
- QUOI ?!? Mais c'est quoi, ce délire, là ? T'as déjà appelé ? Comment ça se fait ? je m'insurge, ayant soudain mal au crâne.
- Euh..et bien... (Il perd complètement ses mots...bien fait pour lui), c'est à dire que...ta mère et moi, on a commencé à s'appeler 3 ans après mon départ, histoire de se rabibocher. Mais, euh, on s'est un peu frités, ces derniers temps. Elle a sûrement préféré ne rien te dire. J'appelais pour prendre de ses nouvelles, malgré tout et manque de chance ! Je tombe sur toi.
Je ne comprends plus rien.
- Préférer ne rien me dire ? Frités ? Manque de chance ? Rabibocher ? Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires ?
- Hé, oh, tu peux attendre 2 secondes, darling ? Je parle à mon fils, là !, hurle-t-il. Je mets quelques secondes à comprend qu'il parle non pas à moi, mais à la personne (féminine, je précise) à côté de lui. Je dois vraiment te laisser, Brian, dit-il ensuite en s'adressant à moi, comme si il ne s'était pas aperçu qu'il venait de me taper un vent monumentale.
Wahou ! C'est la première fois qu'on m'énerve autant ! Mais, qu'avais-je ouï ? Darling ?
- Hé, oh, ne me dis pas que tu n'as pas écouter un traître mot de ce que j'ai dit ?! Et c'est qui, cette femme, à côté de toi ? Darling, tu l'as appelé ? Qu'est-ce qu'elle veut ?
Encore un moment de silence. Je l'entends parler à l'autre bout du fil et je comprends qu'il n'a encore rien écouté.
- Réponds, Papa, ***** ! je m'indigne, hors de moi.
- ...Brian, je suis désolé. Ne dis rien à ta mère, hein. Pour notre discussion, tout ça...je t'aime. Tchuss.
- Hein ? Quoi ? Attends !
Je beugle une injure grossière, mais trop tard ! Je n'entends plus qu'un long grésillement.
Zut !
J'appuie de toutes mes forces sur la touche "rouge" et je pose (le verbe n'est peut être pas attribué) violemment le téléphone sur son socle.
J'ai l'impression que ma tête va exploser et je me mets soudain à vaciller.
De l'air, il me faut de l'air.
Vite.
FIN
Chapitre 4
Argh ! C'est moi ou l'air manque de plus en plus par ici ?
Je me fais violence pour ne pas tourner de l’œil, tout en me dirigeant vers la fenêtre qui donne sur le jardin. Je l'ouvre et je ressens instantanément un bien-être fou. Je ferme les yeux, une brise légère effleure mon visage. J'aspire plusieurs grandes bouffées d'air et je referme ensuite la fenêtre, me sentant beaucoup mieux. La haine, la colère et le mépris envers mon père continuent toutefois de bouillir en moi. "Tu me le paiera !", je crie alors d'un ton féroce, comme si je voulais qu'il m'entende de là où il était. Des pensées contradictoires tournoyant sans cesse dans ma tête, je monte les escaliers et pénètre dans la salle de bain.
"Vieux plouc sans coeur, me dis-je tandis que j'asperge mon visage d'eau en me regardant dans le miroir, situé au-dessus du robinet. Tu ne penses donc qu'à ta petite personne ? Je ne compte pas, moi ? OK, tu as bien morflé ces dernières années mais est-ce une bonne raison pour abandonner ton fils ? Qu'est-ce que j'ai fait moi ? "
Mon cœur se serre. Evidemment.
"Ce n'est pas faute si Maman t'a jeté comme une vieille chau..."
Je me souviens alors d'une chose qui interromps brusquement mes pensées : Ma mère, où est-elle ? ! ?
Je jette un coup d’œil alarmé à ma montre : 21h ? Déjà ?
Cela fait une heure que ma mère aurait déjà dû rentrer. "Allez acheter des courgettes, ça prend donc tellement de temps ?", je songe, les yeux ronds.
Des pensées horribles sorti tout droit des films (que j'ai eu l'occasion de voir avec ma mère, jadis) surgissent soudainement dans ma tête.
Et si elle avait été enlevée ?
Je réfléchis une fraction de seconde.
Ni-une, ni-deux, après m'être essuyé les mains avec une serviette trouvée là, je regagne rapidement ma chambre. J'enfile la première veste que je trouve et je dévale les escaliers. Je m'apprête à quitter la maison mais ma raison m'oblige à réfléchir un peu avant de sortir tout seul dans la nuit. Une idée surgit alors dans ma tête : "Son portable ! Mais oui ! Et si je l'appelais sur son portable ?"
Je me précipite vers le combiné, le prends et je compose le numéro.
Après plusieurs tentatives restés vaines, je finis par assimiler le fait que ma mère ne répondrait sûrement pas.
Quel que ce soit le moment, ma mère ne peut pas s'empêcher de répondre quand son portable sonne. C'est plus fort qu'elle.
Ce qui me ramène au pire.
Bon...réfléchis, mon pote, réfléchis... je reste à attendre sagement, j'appelle la police ou je me lance à sa recherche ? Avis partagé.
L'image de ma mère ligoté dans le coffre d'une voiture défile alors dans ma tête.
Oh et puis zut !
N'écoutant que mon cœur, délaissant une bonne fois pour toute ma raison et ma logique, je repose le foutu téléphone, ouvre la porte d'entrée et pénètre dans la nuit.
FINChapitre 5
La première chose qui me frappe en sortant, c'est la fraîcheur de la nuit. Je frissonne, me maudissant intérieurement pour n'avoir pris qu'un simple gilet. J'aimerais bien revenir à la maison, mais je suis sûr de ne plus avoir ensuite la force d'en ressortir. Le mal est fait, comme me disait Ever (du temps où elle examinait mon devoir d'histoire ou de maths, quelques minutes avant le début des cours, remarquait une énorme faute et que je n'avais malheureusement plus le temps de corriger). Mon ventre se tord, comme d'habitude, mais je n'y prête pas attention. J'ai d'autres chats à fouetter. (encore une réplique d'Ever, à croire qu'elle m'a everdisé)
Bon. On arrête les plaisanteries. Concentrons-nous sur l'essentiel : trouver Maman. Je regarde autour de moi. La tâche semble rude. Il fait noir et le faible éclairage que projettent les réverbères ne m'aide pas vraiment. Je décide de me diriger, en premier lieu, vers le supermarché, situé à 500 mètres d'ici, qui est le premier endroit où je pourrais trouver ma mère, si j'en crois ce qu'elle m'a dit.
Arrivé devant celui-ci, quelques minutes plus tard, je me rends tout de suite compte qu'il est fermé. Il n'y a plus un son, les vitres sont "barricadés" (je ne vois pas d'autre mot, excusez mon manque de vocabulaire) et le parking est vide. Un frisson me parcoure et Dieu sait que ce n'est pas dû au froid.
Mon cerveau tourne alors à cent à l'heure. Laissons la possibilité d'enlèvement et autres tragédies aussi terribles que celle-ci de côté et imaginons qu'elle est faite ses courses tranquillement. Elle serait ensuite sortie du super-marché. Hormis rentrer à la maison, qu'est-ce qu'elle aurait pu faire ensuite ?
Je fais tourner mes méninges :
• Peut être passer faire un tour chez une amie ? Non, elle m'aurait répondu au téléphone.
• Elle aurait rencontré une amie et serait en train de papoter longuement avec elle ? Non, là aussi elle aurait pu répondre.
• Elle aurait mis son téléphone en silencieux ? Impossible. Elle ne fait jamais ça. Sinon, c'est elle qui m'aurait appelé.
M**** ! Tout cela ne tient pas la route !
Je commence à avoir mal au crâne.
Maman, bon sang, où est-ce que tu peux être ?
J'ai alors l'impression d'avoir reçu un coup dans l'estomac.
A moins qu'elle ne soit jamais allé faire des courses et que donc, en d'autres termes, elle se serait foutue complètement de ma gueule ?
Je ne sais pas vous, mais moi, connaissant ma mère, j'opte plutôt pour la deuxième proposition.
Mais si c'est bien ça, où est-ce qu'elle aurait pu aller ?
Je me mets à marcher, je ne sais pas dans quelle direction (je vous rappelle qu'il fait très noir et que je n'arrive pas à distinguer les panneaux), mais ayant la folle intuition de peut-être la croiser en chemin.
Je tombe alors sur Street Party. Pas de besoin de jeter un coup d'oeil au panneau (clignotant, celui-là) car le brusque changement d'atmosphère, ou plutôt d'ambiance, me frappe de plein fouet.
Street Party, appelée plus communément "la rue de la fête", porte bien son nom. Restaurants, bars, clubs, boîtes de nuit, cafés, hôtels de luxe, magasins...située en face de la mer, elle fait la joie des touristes en période d'été et se trouve donc être le plus grand site touristique de Lolitittle, qui est, je ne vais pas vous le cacher, une ville fort petite et très calme. La rue est immense et peut contenir, à en croire mes calculs, plus d'une centaine de personnes, si elles se tenaient toutes droites et collées les unes des autres, comme des sardines. Même en hiver.
Maintenant que la description est faite, vous ne devriez pas être étonnés quand je vous dis que la musique venant des bars me déchire les tympans, que je suis tout de suite emporté par une marré d'humains, pour la plupart ivres et que je dois jouer des coudes pour m'en dégager.
Ha ha ! Mmh..j'adore cette rue.
Reprenant mon souffle, je me glisse sur le bas-côté. Il me sera plus facile d'apercevoir ma mère en marchant sur la plage.
Tandis que j'examine chaque café, restaurant ou magasin, pénétrant dans quelques-uns ou regardant par les vitrines pour d'autres, en veillant à ne pas trop m'approcher des lieux mal-fameux, je rencontre, à mon grand désarroi, certains de mes camarades de classe sur mon passage.
Enzo McKartney, le casse-cou de la classe, toujours prêt à se marrer quel que soit le moment. Il m'adresse un hochement de tête poli, presque imperceptible, lorsque qu'il me voit, avant de détourner précipitamment la tête, si bien que j'ai ensuite l'impression que ce n'était qu'un objet de mon imagination et que je devais me faire des films.
Elisa Lewis, brune belle et ténébreuse, fantasme premier de tous les mecs de ma classe, chanteuse à ses heures perdues. Elle me sourit et me fait un signe de la main. Mon estomac fait une embardée. J'ai toujours l'impression qu'elle m'apprécie, bien qu'elle ne soit jamais venue me parler.
Brie Derity, forte tête, compagne d'Enzo, toujours prête à faire n'importe quoi quand cela lui chante. Je trouve qu'ils vont bien ensemble. Elle m'ignore superbement. De toute façon, je la déteste.
Jason Ryan, premier dans tous les domaines, même de la beauté. Il vient me serrer la main et j'en reste déconcerté.
- Tu vas bien, Brian ? me questionne-t-il poliment, en me dévisageant de ses grands yeux verts.
- Très bien, je lui réponds timidement.
- Mince, toi, les vacances, ça ne te réussit pas ! Heureusement que ce n'est que celles de printemps. T'inquiète, c'est bientôt terminé ! s'écrie-t-il alors mais avant que je puisse lui répondre, sa mère l'entraîne par la main vers un magasin de vêtement pour hommes. Euh...À bientôt, j'espère ! À la rentrée !
Il me fait un clin d’œil et j'en viens à me demander si cette scène s'est passé sous le signe du respect et la politesse, non de l'amitié.
Ainsi que quatre ou cinq autres, qui eux, ne m'ont pas remarqué, à moins de jouer parfaitement bien la comédie.
Une demi-heure plus tard, mes jambes tremblent de fatigue, aucun signe de ma mère et il me reste encore des dizaines d'endroits où chercher. Le pompon, quoi. Je commence vraiment à songer à appeler la police. J'ai emporté mon téléphone, qui ne me servait à rien et que j'avais donc laissé "pourrir" (le mot est faible) sous une pile de vêtements dans mon armoire et ma mère ne m'a toujours pas appelé. J'ai veillé à lui écrire un mot (*), en plus. Qui disait bien qu'elle devait m'appeler sur mon téléphone. Oui, il ne me reste vraiment plus qu'à aller au commissariat.
- Oh, Brian, quel surprise ! crie alors une voix.
Sortant de ma torpeur, je lève la tête, intrigué.
Vision d'horreur.
FIN.
* NDA : J'ai oublié de préciser ça dans le chapitre 4, veuillez m'en excuser.